Les écrits d'Anne-Sophie Guénéguès

Les écrits d'Anne-Sophie Guénéguès

Une tombe trop bien fleurie : l'aventure Académie Balzac

Vous avez voté pour ma candidature à l'Académie Balzac, et je tiens à vous en dire un gros merci. Grâce à vos clics ponctuels ou réguliers, vous m'avez permis de vivre une aventure unique, et un anniversaire sans pareil pour ces 40 ans.

 

La journée des auditions le 29 septembre au Théâtre de Paris a été l'occasion de croiser tous les auteurs intéressés par le projet qui avaient obtenu un nombre de voix suffisant. C'était un moment d'échanges très sympa sur ce qu'avait été cette course de six mois. Nous avons pu constater ô combien nous venions d'univers différents. Ce fut aussi l'occasion de croiser ceux qui avaient mis sur pied cet événement, de comprendre leurs motivations et de voir ce qu'avaient représenté pour eux ces 6 mois de préparation. Les enjeux étaient colossaux.

Nous avons pu rencontrer celui qui allait être le directeur littéraire de cette aventure, sans comprendre encore s'il était fou ou génial.

Si j'étais rentrée dès le 29 au soir à la maison, cela aurait été avec déjà énormément de satisfaction de cette journée de rencontres et d'échanges.

 Mais ce ne fut pas le cas.

J'étais dans le bus qui nous amena à Foussignac, un coin paumé entre Cognac et Angoulême, près de Jarnac.

Nous étions tous très excités et les 5 heures de route nous ont paru bien longues.

À l'arrivée à 2 heures du matin au château de Brillac, un tirage au sort des chambres m'attribua de partager la mienne avec une jeune fille de 21 ans, et même de partager le lit, tant la literie de l'autre était mauvaise. C'est le seul bémol que je mettais d'emblée : un manque d'intimité, un manque de chez soi chez l'autre, une nécessité de contrôle permanent, une obligation de la vie de groupe sans relâche.

 

Le mardi, il faisait un temps superbe. Nous avons exploré les lieux et fait connaissance des autres auteurs, ainsi que de l'équipe de production qui allait nous coller aux basques tout le séjour. Ceux qui ont suivi sur Internet ont pu voir que la première vidéo postée me trouvait dans la piscine.

Piscine dont nous avons pu jouir toute la première semaine.

Le beau temps nous a aidés à bien vivre l'aventure, car nous pouvions bosser dehors, nous promener dans le parc ou aller nous baigner aux heures de pause, ce qui permettait de s'éloigner un peu du groupe et d'y revenir plus tard. Nous avons bien vu la différence quand il s'est mis à pleuvoir par la suite : vivre en permanence les uns sur les autres a causé quelques frictions.

 

Puis, nous avons découvert ce qu'on attendait de nous. Écrire un livre, certes. Écrire à 20, certes. Mais concrètement ??

Ce fut une terrible frustration de voir que le cadre de nos écrits était déterminé à l'avance. Nous devions écrire un polar. L'histoire (à part la fin) était tramée. Le scénario était découpé en modules, et chacun devait choisir les modules qu'il souhaitait développer.

Nous sentions notre créativité brimée.

Puis, nous nous sommes rendus à l'évidence : heureusement qu'il en était ainsi, écrire un livre en 20 jours autrement (en tentant de se mettre d'accord sur le genre, le style, l'histoire, la trame... au préalable) était impossible.

Et les modules étaient savamment découpés de sorte que ceux qui aiment faire de la narration optaient pour les passages descriptifs, que ceux qui ont un style plus oral (moi !) développaient les dialogues, que ceux qui sont davantage dans l'action s'attachaient aux scènes de mouvement. Chacun avec sa vision très personnelle de l'histoire !

(Voir un des meilleurs sujets de la production)

Nous avons formidablement été castés : jamais il n'est arrivé qu'aucun module ne soit traité à la fin de la journée, qu'il y en ait 3 ou 14 !

Nous avons été aussi formidablement castés pour constituer une équipe intéressante pour les caméras : il y avait la jeune, le noir, le Belge, la grande gueule, la chieuse, celui qui la ramène, la cruche qui ne comprend jamais ce qui se passe, le tâtillon, le bosseur, le thérapeute aux méthodes alternatives, la conteuse rébarbative, le lunaire, celle qui rigole pour un rien...

Un huis-clos fabuleux pour un formidable étude sociologique.

 

Et comme ce n'était pas très intéressant de filmer 20 personnes qui écrivent, il fallait bien que des choses se passent.

Et quand elles ne se passaient pas d'elles-mêmes, la production a très bien fait son travail : elle les a créées. Sa capacité à foutre la merde fut inversement proportionnelle à sa faculté d'en faire des images belles, intéressantes, ou tout simplement compréhensibles par les gens à l'extérieur.

D'où des clashs, des engueulades, des fâcheries, des départs précipités...

 

J'ai fait des rencontres passionnantes : les amitiés qui se sont nouées là-bas perdureront au-delà du projet. J'ai eu d'excellents retours sur mes capacités à écrire. J'ai rencontré un agent littéraire parisien qui connaît énormément d'éditeurs que mes services de correction peuvent intéresser. J'ai appris énormément des autres, et sur moi, notamment sur ma capacité à écrire sous la contrainte, à horaires fixes, et selon un schéma imposé ou sur ma nécessité de la mettre en sourdine au sein d'un groupe (dur, dur !).

 

J'ai aussi appris que c'est impossible d'écrire un livre à 20 qui ait une vraie âme ; en effet, pour que tout le monde soit d'accord sur une formulation, c'est malheureusement souvent la formulation la plus neutre, la moins connotée qui l'emporte. Le dénominateur commun est souvent très mince. Il y a quand même un livre, sorti dès le 24 octobre, il n'est sans doute pas très bon, mais il a le mérite d'exister : Nous avons su mener ce défi à bien : écrire un livre à 20 en 20 jours. Personne n'avait demandé à ce que ce soit un best-seller !

C'est le premier livre écrit à 20 personnes qui ne se connaissaient pas avant la première ligne. Nous serons à jamais les premiers à avoir tenté cela. Et ça rien ne pourra me l'enlever !

 

Ce qu'on m'a enlevé, en revanche, c'est la possibilité de rester au château jusqu'au bout.

En effet, la production m'a prise en grippe pour différentes raisons : la première est que je les ai fait chier chaque jour pour qu'ils corrigent les fautes des légendes aux posts. Je trouvais que de faire des fautes dans les commentaires sur notre travail ne faisait pas écho à notre volonté d'indiquer que nous faisions les choses bien, et par amour de la langue française. La deuxième est que je n'ai pas réagi comme ils le souhaitaient. Ils ont volontairement écrit des légendes qui n'avaient rien à voir avec la réalité sur les vidéos. Ils ont volontairement tenté de me faire passer pour ce que je ne suis pas. Ils ont volontairement monté ou coupé des scènes de façon très orientée. Ils ont volontairement foutu la merde en venant rapporter au groupe une partie d'une conversation privée que j'avais eue avec le patron. Et je n'ai pas tapé du poing sur la table, je n'ai pas pleuré, crié, insulté, je n'ai pas claqué de porte, je ne me suis jamais fâchée, je suis toujours restée très calme. Je n'étais donc pas intéressante d'un point de vue télégénique. J'ai donc été évincée au bout de deux semaines.

 

Normalement, les éliminations devaient se faire sur le seul critère de la qualité littéraire, et devaient être à la main d'une unique personne, membre du jury.

Ce dernier a été dépité, déçu, trahi, dégoûté qu'on lui impose de donner mon nom. Il a compris, ainsi que tous les participants, que tous se fichaient bien du livre, et de s'assurer qu'il soit bon (et sans faute, du coup !). le livre n'était qu'un prétexte, le véritable objectif de cette aventure était de créer un pilote pour vendre le concept au maximum de pays, et pour faire le maximum de buzz sur l'internet.

Nous n'avons pas été choisis pour écrire un livre, mais pour faire de la téléréalité.

La production n'a pas jugé bon de mettre en ligne les deux minutes de silence total qui ont suivi l'annonce de mon élimination. Tout le monde était sous le choc. Car aussi chiante que je suis, aussi peu apte à la vie en communauté que je suis, ma légitimité à être de l'aventure n'a jamais été démentie.

 

Dans ce contexte, cela ne m'a pas gênée de partir, de quitter cette vaste fumisterie, cette supercherie, cette mascarade. En deux semaines, j'avais donné assez de matière, assez de moi au livre, j'avais pris ce qu'il y avait à prendre, j'avais vécu ce que je voulais vivre : l'isolement, le retrait du monde, la découverte, le phénomène de groupe, le "frottement" à d'autres auteurs talentueux, l'écriture, les rencontres... (et même une visite de caves de cognac !)

Si on m'avait dit que je ne serais pas déçue de ne pas rester trois semaines, je ne l'aurais pas cru. Je tenais vraiment à participer (et merci encore à vous de l'avoir permis) et vraiment à aller au bout (être partie n'empêchera pas que mon nom soit sur la couverture du livre), mais en réalité, je n'aurais pas tenu une semaine de plus à supporter les déviances de la production. Ce fut donc un gros soulagement de partir. Et comme je n'avais rien de prévu, j'ai pris toute la semaine à revenir petit à petit, doucement, dans le plaisir, à la vie civile.

J'ai la chance d'avoir noué des contacts privilégiés qui me permettent d'avoir des interlocuteurs (Pierre, en particulier) pour évoquer cette expérience (pour débriefer !), car je plains ceux qui rentrent chez eux sans pouvoir parler de ce que nous avons vécu, enfin, sans pouvoir se faire vraiment comprendre. Car même si je vous donnais maints détails, même si vous visionniez chaque vidéo postée, vous ne pourrez prendre la mesure de ce que j'ai vécu et à quel point j'en reviens métamorphosée. Il n'y a que ceux qui y étaient qui peuvent se comprendre à ce propos.

Pourtant, je risque de vous en parler quand nous nous reverrons. Surtout, si ça vous gonfle, dites-moi de me taire, je risque d'être intarissable !!!

Ces quelques lignes vous donnent idée de mon état d'esprit, et quelques clefs pour m'interroger plus en détail si ça vous intéresse.

Toujours est-il que je vous remercie encore de m'avoir permis de vivre cette parenthèse unique, quelque chose qui ne se représentera jamais dans aucune vie, et qui fera à tout jamais partie de ma construction d'écrivain, de correcteur et de femme.

 

Petit bonus :  Le portrait de moi réalisé par une des autres aventurières ! Elle en a fait un de chacun des participants... parfois, ça grince...

"Notre amie Anne-Sophie est un « sujet » intéressant. En effet, cette acharnée de la « syntaxe » habituée à traquer les fautes d'orthographe, à malmener les incohérences, à « dégraisser le mammouth » et redorer les phrases « d'une effroyable platitude » s'est très vite démarquée par son antenne radar capable de repérer les structures grammaticales les plus bancales. Rien ne lui a échappé ! Si nous avions su, nous aurions potassé notre « Bescherelle » planqué dans un tiroir avant de venir !
Loin de jouer les « ellipses », elle a su s'imposer comme le « trait d'union » indispensable entre nos écrits divers et le livre rédigé dans son ensemble. Le roman ne devait en aucune façon être « imparfait ». C’était « impératif » !

Pourtant, c'est surtout sa franchise et son franc-parler qui me semblent le mieux la qualifier. Elle n'a pas eu peur de mettre « l’accent » sur certaines « irrégularités » quitte à « apostropher » les personnes concernées dans les plus hautes sphères. Cependant, ses nombreux « points d'interrogation » sont restés sans réponse...
Au sein de cette Académie où étaient alternativement « conjugués » « mots de tête «  et « maux de cœur », elle a fait preuve de courage et d’honnêteté. Néanmoins, elle a su y trouver sa place.
Et aussi dure et parfois injuste qu'est pu être cette expérience hors du commun, elle ne s'est pas fait que des « faux amis ».
Cette formidable aventure ne se terminera pas sur un « point final »."



26/10/2014
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