Les écrits d'Anne-Sophie Guénéguès

Les écrits d'Anne-Sophie Guénéguès

Une chouette interview sur le blog de Myfanwi !

 

RENCONTRE AVEC ANNE-SOPHIE GUÉNÉGUÈS

Bonjour, bonjour ! Nous sommes de retour avec une nouvelle interview de gagnante du concours Les Murmures Littéraires, qui recherche par ailleurs de nouveaux juges actuellement si vous êtes intéressés. Nous rencontrons aujourd’hui Anne-Sophie Guénéguès, une autrice contemporaine au parcours atypique et super intéressante. Vous pouvez la retrouver sur ses réseaux sociaux.

Bonjour, Anne-Sophie ! Merci d’avoir accepté de répondre à mes questions. Est-ce que tu peux te présenter brièvement ? Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Quand as-tu commencé à écrire ?

Bonjour, Oriane, c’est un plaisir de répondre à tes questions ! Je m’appelle Anne-Sophie Guénéguès, je suis née à Nantes en 1974 (je te laisse faire le calcul !) et j’habite à Paris depuis 2015, dans le 14e arrondissement. Depuis 13 ans, je suis correctrice en free-lance, je travaille avec une vingtaine de maisons d’édition, dans plein de domaines (polars, biographies, développement personnel, jeunesse, jeux vidéo, poésie, humour, dictionnaires, BD…). J’ai développé très tôt une vraie passion pour les langues, le langage, les mots… J’ai toujours écrit des petites histoires. En 2007, j’ai fait éditer un premier recueil de nouvelles, un autre a suivi en 2010. J’ai plus récemment publié Être(s) en 2020, un recueil de 16 nouvelles. Je viens de terminer une pièce de théâtre… tous les formats sont bons, tout dépend de ce que j’ai à dire !

 

Tu viens nous présenter En attendant, le roman contemporain que tu as présenté au concours Les Murmures Littéraires. Est-ce que tu peux nous en parler un peu ? De quoi est-ce que ça parle ? Quelle est l’histoire de ce projet ?

En attendant est mon premier roman. Au départ, c’était un défi, de me lancer dans une version longue. Mes lecteurs me disent souvent que l’ennui des nouvelles, c’est qu’on s’attache à mes personnages, mais qu’on ne passe pas assez de temps avec eux. Alors, je voulais leur donner un peu plus longtemps la parole. En fait, je voulais donner plein de paroles ! Alors, j’ai créé plein de personnages ! En attendant est un roman chorale, je préfère le terme de polyphonique, car chacun a son langage, sa version, son identité. Tous ces personnages sont regroupés dans une salle de mariage, ils attendent la mariée, en 2011, et leurs pensées vagabondent.

Beaucoup de femmes s’expriment sur leur positon par rapport à la maternité, thème récurrent du roman. Entre chaque « portrait », un chapitre de la « vraie » histoire de mon roman est délivré : celle de Célyne, une jeune femme de 18 ans élevée en foyer qui arrive dans une petite ville (fictive) à la recherche de sa mère biologique, en 2007. Elle n’est pas censée rester, mais elle va nouer des relations avec les gens d’ici (ceux qui sont dans la salle de mariage quatre ans plus tard), elle va travailler, va tomber amoureuse, va tomber enceinte… sans avancer sur sa quête, jusqu’au jour de son mariage, où la vérité lui sera révélée (ce qui cause son retard).

 

Ton roman traite principalement du thème de la maternité, mais aussi de l’abandon. Pourquoi ce choix ? Qu’est-ce qui t’a fascinée dans ce thème lorsque tu t’es lancée dans l’écriture de ton roman ?

Il n’est sans doute pas anodin que je traite de l’abandon de son enfant par la mère, moi qui ai été élevée essentiellement par mon père ! :o)

À une heure où on est bientôt 8 milliards sur la planète (la population mondiale a doublé depuis ma naissance !), où l’on sait que dans moins de cent ans on se battra pour l’eau et autres ressources rares de la planète, la question d’enfanter se pose différemment que quand j’ai eu mon fils, par exemple. Et je trouvais que donner la voix à des femmes qui sont mères, qui ne peuvent pas l’être, qui n’en ont pas envie, qui élèvent les enfants des autres… était une jolie façon d’interpeller le lecteur (la lectrice) sur ses propres choix, sa position à ce sujet. Mais mon livre veut aussi l’interpeller sur d’autres sujets tels que le harcèlement au travail, l’intégration des étrangers, l’exode rural, la prise en charge de nos aînés, etc.

J’aimais aussi beaucoup l’idée de mettre mon personnage principal, Célyne, en recherche de quelque chose – quelque chose d’important, sa propre mère – et de lui faire trouver plein d’autres choses à la place (un travail, des amis, un amour, des buts, une famille…). Est-ce que cela suffit, remplace ?

 

J’ai vu que tu as édité plusieurs autres récits et recueils de nouvelles, qui semblent, en plus de ce roman, avoir pour point central de réaliser un portrait de la diversité du genre humain. Est-ce que c’est quelque chose de conscient ou un simple hasard ? Est-ce quelque chose que tu souhaites développer davantage dans des récits futurs ?

Quand on regarde la couverture de mon dernier recueil Être(s), on perçoit l’idée de prendre une personne en particulier (au centre) parmi un groupe de gens (en haut) : c’est ce que font mes nouvelles. J’isole une personne, je l’observe alors qu’elle vit un moment bascule de sa vie (un déménagement, un adultère, la perte d’un enfant…) et sans (trop) juger, je me moque gentiment de ce qui se passe. Les travers, les défauts, les lâchetés de mes frères humains me passionnent, oui, et j’aime vraiment donner la parole à tous : l’archétype du papy grognon, les interrogations de la petite fille lucide, l’amour de jeunesse que l’homme retrouve en fauteuil roulant, l’homosexuel qui ne sait pas comment le dire à son père, le couple qui s’engueule au moment de charger la voiture des vacances… Et je suis chacun d’eux bien sûr ! Toutes les façons d’être, toutes les casquettes que l’on revêt au sein d’une seule et même personne me donnent à réfléchir, j’en aurai jamais fait le tour !

(Nota : Dans mon dernier recueil, j’avais même fait parler un chien, mais mon éditeur m’a demandé, à raison, de retirer cette nouvelle !)

 

Peux-tu nous parler un peu de ton expérience dans l’édition actuellement ? Quand a-t-elle commencé ? De quelle manière ? Est-ce que tu peux nous parler de ce qui te plaît et de ce qui te plaît moins en maison d’édition ? Est-ce que tu envisages de faire publier En attendant également ?

J’ai fait publier mes premiers textes à compte d’auteur parce que je ne me voyais pas « déranger » une vraie maison d’édition avec mes petites nouvelles. Je voulais publier un livre, laisser une trace pour mon fils, mais je ne me sentais pas écrivain. Et puis, j’ai eu les retours enthousiastes de tous ceux qui m’ont lue, ce sont les lecteurs qui ont donné de la valeur à mes textes et à ma plume. Alors, je me suis dit que je pouvais peut-être séduire un véritable éditeur. Et ça a été le cas, un éditeur que je ne connaissais pas, avec qui je ne travaillais pas, qui m’a jugée uniquement sur mon écrit et a eu volonté de m’accompagner. C’est une toute petite maison pas très bien distribuée, mais qu’importe, ils font un vrai travail d’édition. De toute façon, avec des nouvelles, je ne peux pas aller sonner chez Gallimard !

En attendant, c’est différent, c’est un roman. Il est arrivé deuxième au prix Jean Anglade du premier roman 2022, organisé par Les Presses de la Cité. Il a fini lauréat aux Murmures littéraires 2022. Alors, je me dis qu’il peut peut-être être porté par une maison sérieuse. Hélas, si tu n’es pas connu (même pour autre chose, avoir gagné Top Chef ou avoir égorgé ta famille), c’est difficile de franchir les portes des maisons d’édition. Elles reçoivent énormément de manuscrits, dont certains très valables ! Et ce sont des entreprises, qui ont besoin de faire de l’argent pour payer des salaires et des locaux : alors, elles misent sur ce qui va rapporter (une traduction d’un truc qui a fonctionné ailleurs, ou la biographie d’une célébrité). J’aime quand certaines maisons profitent d’avoir en leur sein un grand nom d’auteur qui rapporte pour se permettre de prendre des risques avec des petits ou des inconnus. Elles sont rares.

 

Pour toi, c’est quoi, la maison d’édition idéale ? Quels sont les critères qui te semblent indispensables pour que ça reste une bonne expérience ?

Une maison d’édition idéale prendrait quelques risques, soutiendrait des projets auxquels elle croit, ferait corriger correctement ses livres, travaillerait en concertation avec l’auteur sur la fabrication de l’intérieur, la mise en page, la police, la quatrième, et confierait la couverture à un graphiste qui aurait le temps de lire le livre… Elle proposerait à l’auteur des rendez-vous en librairie (qu’elle ciblerait), des salons, des conférences, des événements autour de l’ouvrage. Elle ferait une veille sur les échos au livre dans la presse ou sur les réseaux, pour prendre la température et savoir si elle doit pousser l’auteur dans l’écriture du prochain !

 

Tu as dit que tu es aussi correctrice. Est-ce que tu offres ton aide aux auteurs ? Quel a été ton parcours pour en arriver là ? Qu’est-ce qui fait un bon correcteur d’après toi ?

J’exerçais un tout autre métier que j’ai dû arrêter pour raisons médicales. Comme il était exclu que je reste à la maison sans rien faire (quel modèle pour mon enfant !), j’ai effectué un bilan de compétences (« Vous aimez lire et écrire ») et me suis interrogée sur ce que je pouvais faire de chez moi. En découvrant que des gens étaient payés pour lire, je savais que j’avais trouvé ma voie ! J’ai donc suivi une formation de relecteur-correcteur (même si j’étais « bonne en français », j’ignorais énooooormément de choses sur notre langue et la façon de l’écrire), et je me suis lancée. J’avais espoir de corriger trois livres par mois, j’en corrige aujourd’hui trois par semaine. Je travaille avec des maisons d’édition, mais aussi avec des auteurs en direct (25 % de mon CA) que je rencontre sur les salons où je présente mes livres ou sur Internet.

 

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La correction ne se limite pas à l’orthographe, la grammaire et la ponctuation. Ça, c’est la base pour composer une copie conforme. Mais au-delà, il y a la vérification de toutes les données véritables (la distance entre deux villes, le nom de l’autoroute pour les rallier, le montant du péage !) et surtout une bonne adéquation fond-forme. Mon travail, surtout avec mes clients auteurs, est de leur proposer des reformulations pour que leur message passe (« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface », disait Victor Hugo). Quel que soit ce message. Qu’il cherche à émouvoir, interpeller, faire rire, faire pleurer, faire réfléchir, renseigner seulement… Et pour ça, il faut énormément d’empathie. Il faut savoir se mettre dans les chaussures de l’auteur, comprendre exactement où il veut aller, et lui montrer le chemin pour s’y rendre en servant ses motivations à lui.

 

J’ai lu sur ton site web que tu faisais aussi du théâtre. Est-ce que la pratique du théâtre a eu une quelconque influence sur ton écriture ? Qu’est-ce qui te plaît dans cette activité ?

Hélas, depuis que je vis à Paris, je ne pratique plus cette activité. J’adorais prendre la voix d’un autre personnage (décidément), me mettre à sa place (ce que je fais aussi dans mon métier, donc), et agir, parler avec ses mots à lui. Après, y a le côté grisant de la scène, et l’idée de réunir des gens qui n’ont rien à faire ensemble et de les faire aboutir à un projet commun, je trouve ça assez beau.

En revanche, le théâtre, je compte bien y revenir avec une pièce que j’ai écrite cette année pour un ami metteur en scène qui m’a mise au défi. J’ai une certaine facilité à rédiger les dialogues, tu t’en doutes, donc ça a été ultra plaisant d’écrire un texte qui ne soit que dialogues. À nouveau, il s’agit de relations humaines, avec à la base une mère pas très maternelle envers sa fille !

 

Pour cette dernière question, est-ce que tu peux nous parler de ton dernier coup de cœur littéraire ?

J’écris sur le genre humain, sur mes contemporains, à notre époque et dans nos vies minuscules. Et je lis des auteurs qui font écho à mes goûts : Daniel Pennac, Philippe Delerm, Sylvain Prudhomme, Davis Foenkinos chez les hommes, Anne Pauly, Carole Martinez, Véronique Ovalde chez les femmes. Bref, pas trop de science-fiction (j’adore Alain Damasio), de fantastique ou de fantasy, tu peux le constater.

Pourtant, le coup de cœur dont je vais te parler, c’est la série Les Prélats de Faneas, de Charlotte Abécassis. J’ai corrigé ces livres (c’est une saga) pendant des années. J’avais déjà lu (pour le boulot) des livres d’heroïc fantasy, mais là, dès les premières pages, j’ai été emportée. Et j’ai attendu avec impatience chaque nouvelle aventure. Et à la fin du dernier, j’ai pleuré. Déjà parce qu’elle est triste, la fin, mais parce que c’était fini, j’allais être privée pour toujours du plaisir de découvrir un nouveau tome.

Parvenir à convertir un lecteur, parvenir à faire adhérer à un univers différent, ça, c’est une victoire pour un auteur. Elle méritait que je l’évoque ici.

 

Choisis deux mots que la ou les prochaines personnes après toi devront caser dans leur interview !

« Rétrospectivement » et « Bizzaroïde ».

 

Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions et bon courage pour la suite de ton parcours ! Je souhaite à tous mes lecteurs une excellente journée et rendez-vous bientôt pour de nouveaux articles !

 



01/11/2022
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